CONFINEE MALGRE MOI, JE ME SENS MOINS SEULE DANS LA TOURMENTE. _________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________
J’ai décidé de partager cette épreuve avec ma famille jusqu’à nouvel ordre. Depuis plus d’un mois, je réapprends à avoir des fous rire, à soulager les rhumatismes de maman par la pratique de massage amateur, partager les repas, les sanitaires et lorsque je sors de la maison, c’est seulement pour ravitailler les troupes.
J’observe quotidiennement les épisodes de disputes et réconciliations de mes neveux « mais c’est lui… ! mais c’est elle !… Moi, je suis innocent ! » Lorsque ces enfants pleurent, seule la dégustation du goûter devant foot de rue pourraient les consoler.
Je pense à certaines situations : pourquoi interroge-t-on souvent les petites filles, en haussant le ton, lorsqu’un petit garçon se fait mal ? Pourquoi c’est de ma faute quand mon frère m’agace ? Pourquoi, dites-moi, pourquoi doit-on trouver une solution afin que mes frères cessent de broyer du noir et fassent la paix avec maman ? Enfin, pourquoi me laisse-t-on pleurer par la fenêtre, partout, mais hors de leur vu. Que c’est pénible de pleurer dans un appartement mal isolé ! En HLM, où seuls les cafards sont témoins de cette injustice ! J’ai pris mon envol à l’âge de vingt ans et je n’ose répondre à ces questions, je préfère m’attarder sur ces problèmes que tel ou telle ne pourraient résoudre comme : « les inégalités ». Je comprends mieux pourquoi on déclare souvent aux femmes mariées voulant parfois s’extirper de ce statut : « oh tu sais le mariage est une épreuve, sois patiente, il t’aime beaucoup, c’est juste que les hommes sont un peu comme des enfants, tu vois, tu dois t’adapter, patienter. »
Il m’arrive également d’écouter les replay du Président de la République, de ses ministres : j’écoute leurs respirations, leurs silences et je préfère me contenter de cela au lieu d’entendre ces consignes incohérentes pour la survie de tous. Il paraît que personne ne sera lésée dans cette bataille alors que le navire, son capitaine et l’équipage coulent sous nos yeux. En bonne citoyenne, je me ballade sur internet, je repère des contenus susceptibles d’accentuer ma soif d’apprendre, je vais sur Cdiscount pour effectuer du lèche vitrine puis je retourne sur Instagram car je veux apprendre à relever des défis sur Tiktok : en boubou vs en jogging ; avec rouge à lèvre vs sans make up ; en X-pression vs la boule à Z. Mais ma raison m’appelle et j’appréhende sérieusement les réactions de mon père, de mes frères alors que je suis ce qu’on appelle « une femme indépendante ».
Les journées se ressemblent un peu mais je ne voudrais vivre celles des soignants car ils sont confrontés à la mort chaque jour. En réalité mes envies d’écritures me démangent, ce confinement me fais drôlement penser à ma vie d’adolescente puis de jeune femme naît dans les quartiers Nord. Contrairement à ce que disent certains rappeurs, ma vie de petite sœur n’était pas aussi belle que leur musique sous-entendait. Je passais mes vacances par la fenêtre, j’habillais ma poupée avec du papier toilette. J’utilisais mes cahiers de brouillons afin de raconter des histoires amours qui existaient dans ma tête.
Je savais qu’un jour je quitterai ces lieux car j’avais souvent la gorge nouée, oui les cités phocéennes sont imprégnées par la solidarité, oui l’accent marseillais c’est rigolo, oui les plages sont belles mais je m’ennuyais. Il n’y avait pas d’issue de secours homologuée par la douane familiale, me permettant de me rendre à mon aise au centre-ville. Les déplacements étaient éprouvants sur le plan logistique mais encore plus lorsque je devais justifier mon envie de prendre l’air à dix- neuf ans.
À 20 ans, j’ai quitté le Sud avec 1000 balles avec l’aide de ma bourse sur critère sociale et j’ai rejoint le sud de l’île -de -France sans savoir à quel point j’allais évoluer avec dans la sueur, les larmes et le rire. À 31 ans je serre encore les dents, je cumule les jobs, je prie pour valider mon diplôme. Quand j’apparais publiquement, en famille ou en société, on demande souvent ce que j’apprends sur les bancs de la fac, si j’ai l’intention de me marier, et si oui, avec qui ? Mes parents ont peur que je périme aux yeux des autres, la légende dit « qu’une femme, sans homme ni enfant et qui a dépassée un certain âge a mal tourné » .
Aujourd’hui, je pense aux personnes qui n’ont pas besoin d’illustration cinématographique pour comprendre ce que je veux dire, à ces personnes vivant actuellement cette situation : l’instruction et la plume sont vos meilleures alliées. Je voulais également balancer des ressentis et voir jusqu’où on serait prêt à me lire.
Le confinement est pour moi, une sorte d’habitude que l’on m’a inculqué très jeune et aujourd’hui j’en tire quelques bénéfices.
Prenez soin de vous
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@mwaana – Confinée sur Paris mais vivant en banlieue.
18/19 avril 2020, (23h17-20h10)
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