Autour du monde féminin de Sarah ZOUAK #WomenSensTour

L’image de la femme musulmane soumise ou passive, c’est le cliché que Sarah Zouak (26 ans) souhaite détruire via Women Sense Tour. C’est simple, elle est partie à la rencontre de 25 femmes à travers 5 pays musulmans. Focus sur une femme de terrain, qui n’a pas peur d’aller à la rencontre des gens.

Peux-tu te présenter ?

Je m’appelle Sarah Zouak. J’ai 26 ans. Je suis française-marocaine de confession musulmane. Je viens d’Ivry-sur-Seine, dans le Val-de-Marne.

COMMENT L’IDÉE DE TE LANCER DANS CETTE AVENTURE HUMAINE EST-ELLE VENUE ?

Carte WST

Cela m’est venu de trois choses. D’abord, par rapport à mon parcours personnel. J’avais en effet du mal à vivre mes différentes identités car on me disait que ma religion serait un obstacle à mon émancipation. Ensuite, à cause de l’image des femmes musulmanes, qu’on imagine systématiquement soumises ou passives, cliché largement relayé par l’opinion publique. On parle d’elles sans pour autant donner leur donner la parole. Enfin, c’était dans le cadre de mon mémoire de recherche sur le féminisme islamique. Une chercheuse renommée m’a dit un jour « Ah non ! Ce n’est pas possible d’être féministe et musulmane ». J’ai pensé alors que c’était important de prouver qu’on pouvait être à la fois féministe et musulmane. Que l’un n’empêchait pas l’autre.

QUELS ÉTAIENT LES OBJECTIFS DE CE VOYAGE ?

Il s’agit de lutter contre les préjugés envers les femmes musulmanes à travers une série documentaire. C’est pourquoi, j’ai entrepris un voyage dans 5 pays musulmans : la Turquie, l’Iran, l’Indonésie, le Maroc et la Tunisie, et je suis allée à la rencontre de 25 actrices musulmanes luttant pour le changement.

QUEL CURSUS SCOLAIRE AS-TU SUIVI ?

J’ai obtenu deux masters : le premier en marketing/communication, le second en relations internationales.

Tes proches ont-ils eu peur pour toi lorsque tu as parlÉ de ton projet ?

Oh oui (rires) ! Finissant mes études, tout le monde pensait que j’allais travailler dans une grande entreprise, et gagner beaucoup d’argent. Sauf que ce n’était pas dans mes plans. Lorsque j’ai déclaré vouloir aller en Iran, mon entourage m’a dit « Tu te prends pour qui ? », « Tu vas subir des violences, rencontrer des problèmes ». « Une femme qui voyage seule risque d’être violée, et peut provoquer le danger ». Sauf que je ne suis pas partie seule, mais avec une amie, Justine DEVILLAINE. Nous étions donc maintenant 2 femmes. Quand tu rencontres des gens extraordinaires qui accueillent, voire t’hébergent chez eux, le chemin est plus facile.

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CERTAINES CHOSES ONT-ELLES ÉTÉ CHOQUANTES SUR PLACE ?

Bizarrement non. Après avoir écouté mon entourage, je m’attendais à ce que les choses soient difficiles. Au contraire, j’ai rencontré des gens agréables qui ont pu m’accueillir, m’héberger et me soutenir. Cela a facilité mes démarches tout me permettant de nouer de superbes amitiés. Bien sûr, j’ai aussi rencontré des individus avec des avis opposés aux miens. Cependant, en débattant, chacun a pu comprendre davantage l’autre. Rien ne m’a choqué (rires).

LES FEMMES QUE TU AS RENCONTRÉES ÉTAIENT-ELLES D’ACCORD AVEC TA DÉMARCHE ?

Elles ont toutes été d’accord, puisque chacune avait été contactée auparavant par mail, Skype ou par téléphone. J’avais donc déjà pu leur expliquer le but de ce projet. Certaines me demandaient « Pourquoi viens-tu dans mon pays ? », « Pourquoi toutes ces questions ? ». J’expliquais que je voulais combattre les préjugés qui collent à la femme musulmane. Bien évidemment, elles se sentaient aussi concernées, donc j’ai pu obtenir leur accord.

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AS-TU LE SENTIMENT QUE LA FEMME EUROPÉENNE EST PLUS RESPECTÉE QUE LA FEMME AFRICAINE ?

Selon les pays, les contextes diffèrent. Je n’ai pas été choquée, les lois n’étant pas les mêmes partout. Cependant, les inégalités entre hommes et femmes sont visibles, quel que soit le pays. Lorsque l’on entend ces femmes s’exprimer et agir, nous ne pouvons pas dire qu’elles sont soumises, oppressées ou victimes.

ACTUELLEMENT EN FRANCE, IL Y A UN DÉBAT SUR LE VOILE. CE SUJET REVIENT RÉGULIÈREMENT DANS L’ACTUALITÉ. LES FEMMES QUE TU AS RENCONTRÉES SONT SOUVENT VOILÉES, QUE PENSENT-ELLES DE CE DÉBAT ?

J’ai pu rencontrer des femmes voilées ou non, chacune a son histoire. Il faut savoir qu’en Iran, le voile est obligatoire. Nous avons abordé ce sujet. Pour elles, chacune doit être libre de ses choix « Chez nous (en Iran), on nous oblige à nous voiler et en France, on ne vous laisse pas le choix de le porter ». Dans les deux cas, les femmes sont soumises à des lois, cela est regrettable.

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QUELLES ONT ÉTÉ TES CONDITIONS DE VIE SUR PLACE ?

Je suis partie avec un petit budget, donc j’ai privilégié le fait d’être hébergée gracieusement. Tout c’est très bien passé. Durant 5 mois, je n’ai rencontré aucun gros problème. De plus, le fait de loger chez ces femmes m’a permis d’avoir le temps de débattre et d’échanger correctement avec elles. Si c’était à refaire, je m’y prendrais exactement de la même façon.

PARLAIS-TU LES LANGUES LOCALES SUR PLACE ?

Très bonne question. C’est bien beau de dire qu’on va faire ce voyage mais sur place, je ne parlais pas la langue. Autant en Tunisie et au Maroc, c’était facile, puisque quasiment tout le monde parle français ou arabe.
Cependant, l’exercice a été bien plus difficile en Turquie, en Indonésie et en Iran. Puisque je ne parlais absolument pas la langue turque, le farsi (en Iran) ou encore l’indonésien. C’est alors que tu commences à t’exprimer avec les mains (rires). J’ai même dû faire une interview avec une femme indonésienne que ne parlait pas un seul mot d’anglais. Mais bien heureusement, on a pu se comprendre car les rires et les gestes sont universels. C’est ça, la richesse du voyage : même sans parler la langue, on réussit toujours à se débrouiller pour se faire comprendre.

AVAIS-TU PEUR LORS DE TON PREMIER VOYAGE ?

Franchement oui (rires) ! J’étais confiante sur les réseaux sociaux, devant ma famille. D’habitude, je ne voyageais jamais sans ma famille. Mais au Maroc, j’étais seule avec une autre femme qui ne connaissait absolument pas le pays. Mais avant d’aller en Iran, j’ai douté en écoutant les propos des gens qui me disaient que je pouvais finir en prison. Avec du recul, ces moments ont été sublimes.

TON MEILLEUR ET TON PIRE SOUVENIR ?

J’ai vécu de fabuleuses rencontres avec ces femmes, il est donc très difficile de choisir. J’ai adoré cette femme de Tafraout (région du Maroc) qui a décidé de faire bouger les choses pour les femmes de son village. Elle me racontait qu’elle n’était jamais allée à l’école, qu’elle était divorcée, qu’elle avait élevé seule ses 5 filles. En remarquant les inégalités autour d’elle, elle a décidé d’agir pour les autres femmes. Elle a réussi à me démontrer que les diplômes n’étaient pas indispensables à ce type de combat, il suffit juste d’observer son environnement et de croire en son projet.

Soirée-avec-Khadija-ElHarim-Heroine-5-au-Maroc

comment AS-TU FAIT pour financer ton projet ?

Tout d’abord, en participant à différents concours associatifs pour les moins de 25 ans, j’en ai gagné quelques-uns. Ensuite, en démarchant les banques : c’est à ce moment que j’ai rencontré les premières difficultés. Dès que l’on évoque la religion en France, on nous sort les thématiques classiques comme la laïcité. Je voulais simplement faire un documentaire sur les femmes musulmanes et non une propagande pour inviter les femmes à se convertir à l’islam. Donc face à cette barrière, j’ai lancé des campagnes de crowdfunding (financement participatif), j’ai pu finalement recueillir quasiment 10 000 €, uniquement pour mon projet.

QUELLE EST LA DÉFINITION DE LA LIBERTÉ DE LA FEMME POUR TOI ?

Pour moi, la liberté de la femme, le féminisme, c’est permettre aux femmes de faire leurs propres choix, et non ce que la société leur impose d’être. Donc je me bats pour que chaque femme puisse vivre sa vie comme elle l’entend. On ne doit pas être violenté sous prétexte que ce soit la religion ou notre classe sociale qui l’exige. On devrait avoir les mêmes opportunités que les hommes. La société exige de nous d’être des femmes douces, mères et avec une taille 38 (rires). De ce fait, certaines femmes sont stigmatisées.

DANS UN CONTEXTE DIFFICILE OÙ L’ON CONSTATE QUE DES JEUNES EUROPÉENS SE RADICALISENT, AS-TU LE SENTIMENT QUE LA RADICALISATION ÉTAIT PRÉSENTE LORS DE TES VOYAGES ?

Je sais que c’est ce qu’on veut nous faire croire. Que d’un coup, des personnes se font radicaliser avec une vision conservatrice des pratiques religieuses. Or, je n’ai rencontré que des personnes à la fois ouvertes et cultivées, avec une soif de voyages, qui étaient vraiment intéressées par ma démarche. Donc aucun signe de radicalisation, désolée (rires).

Quelle est La coutume locale la plus improbable a laquelle tu as du etre confrontéE ?

En Indonésie, nous étions dans une région où l’eau n’était pas courante. Les gens remplissaient une baignoire dans laquelle ils faisaient leur toilette toute la journée. J’ai fait l’erreur de me plonger dans la baignoire avant de laisser s’échapper toute l’eau usagée. Résultat, avec 45° de température, les gens ont dû attendre le lendemain pour prendre une douche (rires).

TANT QU’À FAIRE, UNE PETITE QUESTION CLICHÉ. A T-ON ESSAYÉ DE TE MARIER AUX CHEFS DU VILLAGE EN AFRIQUE (RIRES)?

C’est une vraie question, car quand on voyage seul, les hommes tentent leur chance. Lorsque j’étais en Iran, dans un bus, un homme s’est précipité sur moi afin de me filer son numéro (écrit en farsi). Il ne se doutait pas que je ne lisais pas le farsi (rires). Donc je portais une fausse alliance afin de dissuader les candidats (rires). Une idée que j’ai découvert sur un forum de voyageuses (rires).

QUELS SONT TES PROJETS POUR L’AVENIR ?

J’ai envie de continuer à réaliser des documentaires traitant de thématiques qui méritent d’être étudiées. Nous devons donner nos points de vue via des articles, des documentaires ou bien par la plume. Mais également en tant qu’entrepreneuse sociale militante associative, vivre de mon association en créant des événements de rencontres.

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QUELLE EST TON ACTUALITÉ ?

Nous avons prévu de diffuser le documentaire « Women Sens Tour ». Une avant-première est prévue le 28 avril et le 8 mai 2016 au centre culturel « La Gaîté lyrique » à dans le 3e arrondissement de Paris (3, bis rue Papin). Par la suite, il y aura des projections collaboratives avec des personnes qui souhaitent diffuser le documentaire dans leur ville. L’idée est de faire connaître le documentaire partout en France.

Toutes les informations sur ce lien :

 file:///C:/Users/espoir/Downloads/CP%20-%20WST%20%231%20Avril%202016%20(1).pdf

En parallèle, l’association « Lallab » a vu le jour. L’objectif reste le même que pour Women Sens Tour. Toutefois, cette fois-ci, nous aimerions mettre en lumière des modèles de femmes musulmanes inspirantes partout dans le monde (en France, aux Etats-Unis, en Europe, …). Nous envisageons d’envoyer des volontaires faire ces voyages, et les former à rédiger des articles, des interviews, des vidéos. Nous souhaitons que le site Lallab devienne un véritable outil pour faire connaitre toutes ces femmes et surtout un outil ouvert à tous. Enfin, le projet

consistera aussi à animer des ateliers de sensibilisation dans les écoles pour échanger afin combattre les préjugés.

Retrouvez la biographie de Sarak ZOUAK

file:///C:/Users/espoir/Downloads/Zouak%20Sarah%20-%20Biographie%20-%20Janvier%202016.pdf


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