L’année 2023 se termine, laissant derrière elle un lourd bilan. Des familles endeuillées, des meurtriers en liberté, des personnalités pédophiles que la justice a choisi de ne pas inquiéter, des enfants morts de la guerre, des victimes d’un génocide silencieusement consenti, des femmes violées et détruites, des gens qui survivent dans la rue, qui survivent à la rue, et des familles qui ne mangent plus à leur faim.
Une liste qui semble sans fin. Une odeur méphitique envahit notre douce France. Beaucoup souffrent en silence, par habitude, mais en cette fin d’année leurs coeurs se serrent. Plus envie de porter un masque, pas envie de faire la fête. Juste le sentiment d’un énorme gâchis. Sans oublier notre jeunesse à nouveau sacrifiée sur l’autel de l’indifférence. Combien d’enfants, de jeunes gens, ont prématurément perdu la vie ? Nahel, Rachid, Driss… La liste est longue car 2023 ne les a pas épargné. L’histoire n’a fait que se répéter. Des fins de vie violentes, tragiques. Des familles traumatisées, qui peinent, même avec le temps, à se débarrasser de cette douleur térébrante. Celle qui ne vous laisse aucun répit, qui vous prive de votre sommeil, puis qui vous réveille en sursaut et en sueur quand vous finissez enfin par céder aux appels de Morphée.
Celle qui vous accompagne, où que vous alliez, quoi que vous fassiez. Elle est comme une ombre qui vous poursuit, qui ne vous quitte plus. Elle aspire peu à peu votre âme et n’attend de vous qu’un seul faux pas pour vous plonger dans une dépression dont il sera difficile de sortir. Une âme comme prise en otage par un ravisseur imaginaire et qui soumet sa libération à une succession d’étapes à passer.
Quelques unes de ces jeunes victimes ont été tuées par des représentants des forces de l’ordre. D’autres par d’autres jeunes, qui pourtant leur ressemble tellement, et lors de stupides rixes entre quartiers. Et pour les plus malheureuses d’entre elles, elles ont perdu la vie parce qu’elles se défendaient d’une agression ou bien parce qu’elles venaient héroïquement en aide à quelqu’un qui était en danger et ont reçu des coups mortels qui n’auraient jamais dû leur être destinés.
Encore une fois, notre si douce France épargnera les auteurs de ces meurtres qui ne feront que quelques mois de prison, pour la forme, pendant que les familles endeuillées portent au quotidien leur faix. Un fardeau si lourd qu’elles en ont les épaules brisées. Une justice méprisante qui n’a de juste que le nom et qui tendra à provoquer un sentiment d’injustice et à coup sûr un désir de vengeance chez les plus abimés parmi ceux qui restent. Parmi ceux là, justement, certains s’isoleront, s’éloigneront volontairement pensant que la solitude agira comme un remède, une passerelle vers la guérison. Seulement personne n’apprend, n’aspire, n’enseigne à supporter la solitude, disait Nietzche. Le pari reste donc bien risqué. Parfois les lendemains font peur aux solitaires. Eux qui souvent ont le sentiment d’être en apnée, appelant de leurs voeux cette bouffée d’air salvatrice difficilement atteignable.
Les démiurges de ce monde juridique que beaucoup d’entre nous peinent à comprendre sont bien plus cléments avec des assassins qu’avec des dealers de drogue par exemple. Qu’en est-il de cet Etat qui défend les squatteurs au détriment des véritables propriétaires de biens, les meurtriers au détriment de leurs victimes et de leurs proches, les pédophiles au détriment de leurs très jeunes victimes ? A quel moment en sommes-nous arrivés à vivre dans une société agreste ? Une année se termine, une nouvelle commence. Ne nous leurrons pas, elle est simplement la continuité de la précédente. Qu’est-ce qui changera ? La politique restera la même, les pauvres continueront à s’appauvrir, les guerres se poursuivront, faisant toujours plus de victimes innocentes, et l’injustice conservera une place de choix dans notre société.
Et nous, impuissants et épuisés, nous ferons toujours le même constat, un an après. D’aucun ne prétend posséder le don de Thaumaturge mais le futur bilan est si prévisible. Comment faire alors pour atteindre l’état d’ataraxie ? Celui de la quiétude absolue de l’esprit, celui qui apaise et soulage notre âme, celui pour lequel chacun d’entre nous poursuit sa quête ? A l’arrivée des heures vespérales, notre inconscient se met en marche. Le silence du couchant provoque la réflexion. L’esprit torturé par mes propres démons je me réveillerai au petit matin, avec l’impression désagréable d’avoir la gueule de bois, comme un lendemain de fête. D’un calme impavide j’aurais déjà tout oublié, les pensées sombres de la nuit seront comme effacées. Le rythme du quotidien empêche de s’y attarder. La routine reprend et occupe l’esprit la journée. Jusqu’au moment du coucher, et là, l’inquiétude, les doutes et les questionnements réapparaissent, jusqu’à l’endormissement. Une boucle sans fin. Voilà pourquoi il faut savoir s’autoriser tous les petits moments de bonheur que la vie met sur notre chemin au quotidien. Encore faut-il savoir les reconnaitre. Un fou rire avec un ami, le visionnage d’un bon film, les moments de partage avec ses proches, une rencontre qui bouleverse votre vie, la beauté d’un paysage, d’un coucher de soleil, un sentiment de quiétude et d’amour que provoque des bras qui nous enveloppe. Tout est bon à prendre et il n’y a aucune raison de s’en priver. Alors, quand je perdrai espoir, ma voix en écho se fera entendre. Je me dresserai là, le dos droit, l’allure sûre, et comme le faisait autrefois les hérauts je distribuerai haut et fort mon message à qui veut l’entendre : « Vivez ! Vivez, avant qu’il ne soit trop tard. Soyez heureux, avant que le malheur ne vous atteigne. Appréciez, avant d’être empli d’ingratitude. Débarrassez-vous maintenant de vos douleurs térébrantes, celles qui obscurcissent votre âme et la prennent en otage. Pensez donc à la personne que vous étiez autrefois et demandez-vous si aujourd’hui vous êtes à votre place. Et si ce n’est pas le cas, ne vous trahissez pas, vous savez ce qu’il vous reste à faire ». Il parait que le silence est une réponse au chaos du monde. Nos silences nous protègent mais ils font de nous des lâches, de misérables pleutres. Si on survit à nos insomnies, quel que soit ce qui les provoque, prenons la parole. N’ayons pas peur d’écrire, d’échanger, de dénoncer, de créer, de chanter. Exprimons, peu importe la forme que l’on choisi, ce qui pèse sur nos coeurs et alourdit notre fardeau.
Parce que Camus disait vrai : « Mal nommer les choses c’est ajouter au malheur du monde. Ne pas les nommer c’est nier notre humanité ». Demain alors, on se réveillera, étourdis, comme un lendemain de fête, mais le coeur plus léger et l’âme apaisée.
Fatine EL ASRI 1er janvier 2024
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